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BYGODT Bernard
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11 novembre 2006

analyse

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       BRIBES EN SOURDINE POUR ACCOMPAGNER LE REGARD

Jean-Claude ANNEZER,

Conservateur Général des bibliothèques de Toulouse

Fragmentaire,  l’œil doit quitter les sentiers tracés, l’inertie et les précautions d’usage pour conquérir pas à pas les linéaments du paysage offert par Bernard Bygodt. C’est là que son rythme vibre et se déploie. Paysage épanoui en blanc et noir. Apparemment lisse, sa cohérence est faite d’aspérités. Sa force est frondeuse tout en étant force d’acquiescement. Le blanc et le noir s’y épanouissent en une même énergie. Les tensions qui les mobilisent et l’unité qui s’en dégage sont mouvantes et imprévisibles


                                    

Le blanc, c’est une lumière en forme de fleuve, de feu et de désert ; le noir serre les motifs comme une syntaxe d’îles, de buissons et de dunes. […]

Noir et blanc sont couleurs riches, couleurs d’épaisseur et de relief; inscrites entre le regard et la main, ces couleurs témoignent de l’intensité du travail de Bernard Bygodt ; elles en développent l’intelligence au moment où il s’échappe des contraintes de sa propre mémoire. […]

L’acte de peindre, dans sa dépense même, son épuisement comme son exaltation, condense toute la peinture, ses hantises, ses techniques, ses chemins, et s’en allège. Les influences, les souvenirs sont mis à l’épreuve, assumés, épurés, transformés. La maîtrise s’affirme, s’étoffe par fidélité et écartèlement. C’est en se dépouillant que le peintre s’invente un souffle, un rythme, un itinéraire. Chacune de ses peinture ouvre la voie à une nouvelle qui elle-même en prolonge l’élan, la force d’évidence. L’œil, dans la certitude toujours un peu confuse et défaillante de  sa lecture, croit saisir ici un tournant décisif, une dérive, une reprise. Mais chaque toile se développe dans la surprise, en modifiant le regard, en entrecroisant les significations.[…] Ce mélange d’urgence et de geste maîtrisé exige une attention silencieuse : la peinture n’est pas ici figurante, là abstraite ; elle est elle-même son sujet, son projet. Elle n’exhibe, n’imite ni ne représente. [… ]

La peinture de Bernard Bygodt ne cherche pas à flatter l’œil ni à l’abuser de ses leurres. Elle le stimule, l’appelle à traverser reculs et distances. Elle lui ouvre des passages vers l’inattendu, l’inespéré. Et sans doute malmène-t-elle ainsi ses habitudes, ses certitudes de voir. [… ] Voir c’est renouer avec sa propre histoire, sa propre identité. Chacun, en ce sens, est seul à voir. La pensée est indissolublement liée au regard. Elle y trouve une euphorie et une gravité plus vives. Ce lien n’est pas que symbolique. Il est physique. […]

       Ni la résignation ni l’oubli ne sont fertiles quand l’œil coule dans le moule commun. Regarder c’est rejoindre le peintre qui veille aux confins. Dans leur cadre et dans leurs limites, chacune de ses peintures ourdit de nouvelles combinaisons, invente une mesure et une fidélité inimitables.

      

         

* Extraits du catalogue de l’exposition « Bernard Bygodt - Peintures » B.I.U. Toulouse, Décembre 1993

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